Entre deux passages de front, le skipper de l’IMOCA Fives – Lantana Environnement revient sur son beau et audacieux début de Route du Rhum – Destination Guadeloupe, jusqu’à ce qu’un petit rien ne vienne bouleverser le scénario envisagé. C’est le jeu de la course au large. Il fallait le tenter, la course n’est pas finie et l’objectif de Louis Duc reste avant tout de cumuler des milles qualificatifs pour le Vendée Globe.
Hier soir, le skipper Normand s’est résolu à mettre du sud dans sa route : « Les fronts se creusent vite, avec 40 – 45 nœuds fichier voire plus, ça ne passe pas très loin… on va éviter de se mettre là-dedans », expliquait Louis.
Dorsale fatale
A 7h ce dimanche matin, il pointait en 26e position à 270 milles de la tête de flotte : son arrêt forcé d’une douzaine d’heures, vendredi, dans les calmes qui ont suivi le passage du premier front, a été fatal à son audacieuse option nord.
Il s’en est fallu de très peu « 10 à 15 milles », mais il n’y a pas de regret à avoir. Pour Louis, cette route nord était une évidence. Il a montré une fois de plus son courage, sa capacité à bien gérer les coups de vent et le malin plaisir qu’il a à suivre une autre route que ses camarades de course… Tout en préservant son objectif majeur : boucler sa Route du Rhum à la barre d’un bateau en bon état pour engranger de nouveaux milles qualificatifs en vue du Vendée Globe 2024.
Louis Duc, skipper Fives – Lantana Environnement : « On se fait bien secouer ! Il y a 30 nœuds avec de la mer, on est au près avec 2 ris dans la grand-voile et J3. C’est la configuration que j’ai depuis pas mal de temps déjà. C’est monté à 40 nœuds tout à l’heure au passage du front. J’ai viré de bord et je fais route vers le sud… jusqu’au prochain front qui passera ce soir.
Soit je retournerai dans l’ouest dans ce prochain front, soit je ferai du sud pour préserver le matériel. Ces systèmes sont assez violents : selon l’évolution et l’intensité de celui qui arrive, je déciderais de ma route. »
T’attendais-tu à devoir partir si nord et avec cet enchainement de dépressions ?
Louis Duc : « Je savais que ça allait s’enchainer comme ça, mais le 2e front (et le 3e) se sont un peu creusés par rapport aux prévisions et, surtout, j’aurais dû être une bonne douzaine d’heure devant le 2e front, mais les 12h de retard pris dans la dorsale ont cassé toute la stratégie.
En fait, j’ai été un peu trop prudent la 2e nuit de course. J’ai trop levé le pied, alors qu’il y a eu moins fort que ce que prévu : j’aurais pu gagner 10 à 15 milles dans l’ouest ce qui m’aurait permis de passer au-dessus de la dorsale… C’est comme ça. »
Pas de casse ?
Louis Duc : « Un Lazy-bag (système qui permet de recueillir et maintenir la partie basse de la grand-voile au niveau de la bôme lorsque la voile est arisée, ndlr) cassé : dès que la grand-voile est arrisée, j’ai des kilomètres de voile qui prennent la flotte sur le pont. J’ai essayé de réparer, sans succès encore et, dans l’histoire, je me suis un peu brulé la main avec un bout. Rien de bien méchant, mais ce n’est pas près de cicatriser là où s’est placé.
Et un morceau de rail de grand-voile a cassé, en bas du mât : pour l’instant, je suis donc bloqué à 2 ris. Je verrai ça quand le vent faiblira. »
T’attendais-tu à devoir partir si nord et avec cet enchainement de dépressions ?
Louis Duc : « Ça va ! A part que l’on fait du près dans 30 à 50 nœuds depuis le départ, mais on savait où on allait ! Et que j’ai grillé pas mal d’énergie dans la dorsale à changer de configuration de voiles plusieurs fois, je suis même passé sous gennaker pour m’en sortir ! Mais Je me suis pas mal reposé la nuit dernière… La prochaine s’annonce plus compliquée, mais ça va ! »
Dur au mal le Normand ? Assurément ! C’est de toute façon un prérequis incontournable en course au large en solitaire, d’autant que cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe est loin d’être terminée.
Louis Duc : « Et de grosses pensées pour Thibault Vauchel et son équipe de Solidaires en Peloton et à Aurélien Ducroz, Amélie Grassi, Louis Burton… plein de courage à eux et leurs équipes. »